On parle de « mondialisation » ou bien de « globalisation ». Or cette mondialisation est aussi une occidentalisation. En devenant un, le monde est en partie devenu occidental. Des pays très éloignés du premier Occident géographique, comme le Japon, l'Australie ou l'Afrique du Sud, sont aujourd'hui des pays « occidentalisés ».
De quoi parle-t-on en disant qu'un pays est occidentalisé ? Pour trouver le point essentiel, il faut se tourner d'abord vers les objets techniques qui sont aujourd'hui communs à tous, quels que soient le climat, la manière de se nourrir, de s'habiller ou de se loger : ordinateur, automobile, télévision, téléphone, etc. Ces objets obligent à organiser d'une manière rationnelle le travail, la production, les échanges commerciaux, l'ensemble même des déplacements, des transports, des rencontres. Cette forme de rationalité pratique apparaît comme le trait le plus constant du mode de vie occidentalisé.
Être occidentalisé, ce serait donc seulement vivre dans un monde technique ? Évidemment non. Car c'est aussi à un ensemble de valeurs, morales et civiles, que nous pensons quand nous parlons d'un mode de vie occidentalisé. Nous appelons mode de vie occidentalisé celui où se trouve mise en valeur une série de libertés individuelles qui paraissent essentielles à ce mode de vie. La liberté d'expression, la liberté de religion, la liberté de déplacement sont fondamentales. Elles n'appartiennent pas uniquement à l'Occident, car elles ont été connues et formulées dans bien d'autres civilisations, mais c'est dans la culture occidentale, depuis la Renaissance, qu'elles ont été le plus nettement élaborées et approfondies.
Ces valeurs sont-elles universelles ou spécifiquement occidentales ? Cette question est au centre de très nombreuses discussions ces derniers temps. Ceux qui combattent l'héritage de l'Occident cherchent en effet à nier leur caractère universel, en particulier les droits de l'homme. (b)Leur démarche consiste à soutenir que ces valeurs qui se prétendent universelles sont en réalité des façons de voir particulières de la civilisation de l'Occident. Elles seraient donc relatives à son histoire et sa mentalité propres, et en conséquence inadaptées et inapplicables dans d'autres sociétés. Dans cette perspective, l'occidentalisation serait une forme nouvelle de colonisation, et les droits de l'homme, plutôt qu'un instrument de libération, courent le risque d'être perçus comme un nouvel outil de domination, une sorte d'idéologie occidentale destinée à détruire les valeurs propres aux autres cultures et leurs hiérarchies sociales traditionnelles.
Il faut insister sur le mensonge que constitue une telle position. Car il est faux de dire que les droits de l'homme sont apparus soudain, en 1789, ou même au XVIIIe siècle, ou seulement dans la pensée de l'Occident. On trouve dans toutes les religions, toutes les sagesses et toutes les philosophies du monde, de l'Antiquité à nos jours, d'innombrables textes qui affirment la nécessité de la tolérance et du respect des croyances des autres, le droit de chacun à s'exprimer, l'égale dignité de tous les êtres humains.